Sam Maisonobe : « Je m'en souviendrai toute ma vie ! »

Crédit photo Florian Frison - DirectVelo

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La journée est aussi folle que l'exploit est rare : venu des rangs du triathlon, encore classé au plus bas de l'échelle des compétiteurs vélo en 2022 (catégorie Pass Open), le Parisien Sam Maisonobe, 20 ans, s'impose en solitaire ce vendredi sur l'une des plus grandes épreuves UCI réservées aux Espoirs. “Je ne sais pas ce qui s'est passé !”, répète le vainqueur à ses équipiers du Vendée U. Tout est allé vite, sa jeune carrière autant que son étape entre Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) et Saverdun (Ariège) avec sept secondes sur ses poursuivants.

Au départ, Sam Maisonobe, 14e du classement général, s'inquiétait que son maillot de meilleur Français (patronné par les Joinvilliers, les anciens du Bataillon de Joinville) soit assorti aux couleurs de la réserve de Total-Energies. 30 kilomètres après le départ, il avait fait une proposition pour relancer la course, après l'affreuse chute qui impliquait l'Australien Jackson Medway (Bridgelane) et un motard d'organisation (lire ici). “On n'a qu'à reprendre et arrêter l'étape au sommet du Portet d'Aspet”, lançait-il à un commissaire. Mais, l'étape relancée, il a franchi le col et attaqué. Non pas une, mais trois fois... Suit un solo de quinze kilomètres, ses adversaires aux trousses. À l'arrivée, un autre genre de tourbillon s'abat sur lui. Ses propres larmes, de longues minutes durant, entouré de son soigneur et d'un habitant venu se poser à côté de lui et qui tente de le réconforter. Les félicitations plus appuyées que d'habitude, signées de ses adversaires, le Néerlandais Max van der Meulen en tête, ou du parrain de l'épreuve Cyrille Guimard. Un de ses coéquipiers lui lance “Je vais parler de toi à JR”, en référence à Bernaudeau, le patron de la maison. Maisonobe, en guise de reconnaissance : “Ce soir, on va manger des burgers !”. Le reste du film, c'est lui qui le raconte.

DirectVelo : Cette victoire, il paraît que tu en parlais déjà la veille sur la table de massage. Qu'est-ce qui te donnait le sentiment de pouvoir le faire ?
Sam Maisonobe : Les jambes, l'instinct, le plaisir que j'ai à faire du vélo. Pour tout dire, j'étais censé me ménager, c'était une étape de transition entre deux journées de montagne. L'équipe m'avait demandé de rester au chaud dans le peloton, mais je sentais que j'avais de très bonnes jambes. Honnêtement... je ne sais pas ce qui s'est passé ! Les kilométrages, les différents moments, tout ça est assez confus dans ma tête. J'ai attaqué, c'est tout.

De quoi te rappelles-tu dans ce brouillard ?
Le col des Ares, la première ascension, n'était pas assez difficile, donc le peloton n'a pas cassé. Dans le Portet d'Aspet, je savais qu'il fallait être bien placé, et je bascule au sommet dans le premier groupe. Ensuite, j'ai fait mes tentatives. A chaque fois que j'ai été rejoint, j'ai réessayé. Mais je ne peux pas dire que j'étais complètement serein. Je me suis retourné quelquefois. La longue ligne droite avec le vent de trois-quarts face était interminable. Je m'en souviendrai toute ma vie ! Mais je m'étais promis de ne rien lâcher. Jusqu'à ce que les poursuivants se retrouvent dans ma roue, je ne voulais rien céder.

« LA RONDE DE L’ISARD REMET LES PENDULE À L’HEURE »

Tu n'as donc jamais eu de complexe face aux plus grosses équipes ?
Je viens juste de débarquer dans le peloton, je ne sais pas comment ça se passait avant, mais on me dit que le gap est de plus en plus grand entre les courses Élites et UCI. Quand on voit débarquer les très grosses équipes, Visma, Lotto, Trinity et tutti quanti, on pourrait se prendre un petit coup derrière la nuque. Elles nous prennent pour des petites équipes ! Il faut voir comment elles viennent frotter ! C'est du genre “Dégage de là ! Laisse-moi la place !”. Alors, j'ai essayé de jouer avec cette situation. Je me doutais qu'au début, ils ne se méfieraient pas de moi et que, ensuite, ils seraient un peu décontenancés de se battre contre un coureur comme moi ! A l'arrivée, la Ronde de l'Isard remet les pendules à l'heure. Ce ne sont pas toujours les plus gros qui gagnent...

Pourquoi cette pluie de larmes à l'arrivée ? Tu es resté ainsi presque dix minutes sur un muret avant de monter sur le podium pour recevoir tes trophées.
C'est une globalité d'émotions. Nous avons vécu un accident sérieux en début d'étape. Ce sont des moments où le sport passe au second plan. Il a fallu se remotiver pour repartir. Ensuite, j'ai repensé à tous les sacrifices et aux gens qui ont cru à moi.

Parce que tu as galéré les mois derniers ?
Non, au contraire, je peux dire que les choses vont bien. Mais c'est un contexte général, que connaît tout cycliste : les entraînements dans la pluie et le froid, les déplacements loin de la famille... De mon côté, j'habite à Paris et j'étudie en troisième année de Staps. Ça veut dire que je m'entraîne sur Zwift après les cours, ou bien en vallée de Chevreuse, quelquefois à Longchamp. Je tourne un peu en rond, mais je ne me plains pas, c'est la vie que j'ai choisie. Bon, je vais quand même réfléchir à changer de cadre l'an prochain et à relâcher un peu la pression.

« J’AI BEAUCOUP PENSÉ À EUX »

Venons-en à ta progression record. En un an et demi, tu passes de la catégorie Access à vainqueur sur une étape de course UCI. Comment as-tu gravi les échelons ?
Je viens du triathlon. Sur les courses de vélo, j'étais à chaque fois surclassé : Access, Open 3, Open 2, Open 2... J'ai eu la chance que des personnes croient en moi : ma copine Elena, ma famille qui a toujours été très sportive, ma belle-famille... Mon entraîneur Eric Guibert me disait : “Allez ! Tente !”. Il était persuadé que j'avais ma place dans le cyclisme de haute route. Pour lui, la clé, c'était de prendre du plaisir. C'est un conseil que j'applique aujourd'hui.

Et puis, le Vendée U est arrivé ?
Il y a encore un an, je ne savais encore rien de ce club ! Je me suis renseigné, et j'ai découvert la belle histoire derrière, et une histoire ancienne qui plus est ! Quand on porte ce maillot, on accepte un héritage... J'ai rencontré des bonnes personnes, désireuses de transmettre. On a droit à l'erreur. Une fois disons, parce que, la deuxième, ce n'est plus une erreur mais une bêtise ! Jusqu'alors, je courais à l'envers. Le Vendée U m'a donné l'intelligence de course. Avec moi, le club a pris le risque d'engager un triathlète. Mais, au moment de passer les tests, je leur ai dit “Vous pouvez me faire confiance, je vais tout donner pour les gars !”. Il y a des coéquipiers qui méritent qu'on roule pour eux. On fonctionne par roulement : il faut donner pour espérer recevoir. Sur cette Ronde de l'Isard, je savais que les gars allaient m'aider. J'ai beaucoup pensé à eux quand j'étais échappé.

La suite immédiate, c'est deux étapes de montagne. Comment passes-tu les cols ?
Je fais 69 kilos, je ne peux pas lutter contre des coureurs qui en font 10 ou 15 de moins. Par contre, je dois dire que j'adore ça. J'ai grandi avec des photos de cyclisme en montagne aux murs de ma maison. Des beaux paysages, de belles descentes... C'est quelque chose que je partage avec mes frères. C'est ça, le vélo que j'aime.

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